Nous sommes dans l’anthropocène, époque caractérisée par l’impact significatif des activités humaines sur la planète. Dans ce contexte, quel monde souhaitons-nous collectivement pour demain ? Dans quels lieux, dans quels espaces pourraient se vivre les expériences artistiques et culturelles? Quelles formes, quelle gouvernance, quelle place dans l’écosystème culturel et quels objectifs les porteraient ? Que seraient des espaces culturels désirables ?
Les défis environnementaux, démocratiques et sociaux qui se dessinent amènent à imaginer les tendances du futur pour prendre, dans le présent, des décisions éclairées. C’est ce que propose la prospective. Ainsi, des ateliers construits à partir de ces pistes de réflexion permettront de se projeter ensemble dans le futur.
Plusieurs trajectoires sont identifiées : multiplication de crises liées au changement climatique et à l’accaparement des ressources rares, fragilisation du lien social et du vivre ensemble dans un environnement de transformations démographique et numérique, raréfaction des financements publics et montée concomitante des acteurs privés, mobilisation du pouvoir d’agir des personnes en défense du bien commun, mobilités repensées des idées, des biens et des personnes, retour du care et de l’hyper proximité dans un monde globalisé.
Quelle est la culture que nous souhaitons partager et faire vivre ? Comment contribuer à un monde plus robuste aux crises et plus juste ? Demain, quel sens aura la culture ?
La journée sera constituée d’ateliers pour se projeter collectivement, de méthodes et d’outils pour engager d’éventuelles transformations, de témoignages pour s’inspirer et de regards croisés pour prendre de la hauteur. En toile de fond, une invitation au voyage entre deux temps : comment s’inspirer du présent pour penser le futur ? Comment penser le futur pour agir au présent ?
Programme
9h00 : Accueil café
9h30 : Mot d’accueil et propos introductif : Nicolas Truffet, adjoint à la culture et au patrimoine culturel et historique de la Ville de Rumilly
9h45 – 12h30 : Les ateliers de prototypage – choisissez 1 atelier parmi les 4
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Atelier 1 : Comment les lieux culturels institutionnels peuvent-ils être encore plus démocratiques ?
Face aux enjeux de renouveau démocratique, à la multiplication des crises multidimensionnelles (climatiques, sociales, économiques, sanitaires…), comment les lieux culturels recevant de l’argent public (médiathèques, musées, théâtres etc..) peuvent-ils pleinement être des lieux ressources pour les personnes, notamment celles en temps précaire ? Dans un contexte de fragilisation sociale, comment peuvent-ils contribuer à renforcer les relations et la démocratie ?
Cet atelier consistera en une exploration créative pour imaginer comment les lieux de demain pourraient se saisir des questions d’hospitalité, de gouvernance et d’interculturalité et comment nous pouvons être, chacun et chacune à notre endroit, co-responsable de la démocratie culturelle. Dans cet atelier, seront diffusées des œuvres sonores racontant la diversité des réalités sociales marginales. À partir de cette exploration et des échanges, seront questionnées collectivement les notions d’hospitalité, d’attention et de soins portés à l’autre dans l’objectif de penser les espaces culturels à-venir.
Atelier animé par Corentine Baudrand, artiste chercheuse et Julie Bernard architectologue, membres de LALCA, et coordonné par Marie-Laurence Sakaël, chargée de mission développement professionnel à Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant
- Atelier 2 : Face à une nécessité et une envie de proximité, comment repenser les espaces culturels ?
L’accélération du changement climatique induit une mobilisation autour de la transition écologique et une nécessaire adaptation pour diminuer l’empreinte carbone. La mobilité est au cœur de la décarbonation et l’hyper-proximité devrait être réinvestie. Dans ce contexte, comment penser les espaces culturels de proximité ? Quelle forme pourraient-ils prendre ? Quels usages en attendre ?
Dans la perspective des évolutions sociétales induites par l’adaptation au changement climatique, et partant du postulat que l’on désire réduire les mobilités, il s’agit d’encourager le partage, la diffusion et la création de cultures accessibles et diffuses. Faut-il inventer de nouveaux lieux, de nouveaux espaces, de nouveaux réseaux ? Quels peuvent-ils être ? Comment les investir et les faire vivre ? Quels espaces aménager pour quelles cultures à déployer ? Quelles sont les situations urbaines, paysagères ou architecturales favorables aux cultures de proximité ?
Afin d’approfondir ces enjeux, les personnes travailleront l’aspect architectural et les usages d’un lieu désirable, et effectueront une cartographie des interactions du lieu pour le penser dans son environnement.
L’atelier se déroulera en 3 temps :
- – L’incubation
- – L’investissement
- – La formulation
Atelier animé par Stéphan Dégeorges, directeur, Véronique Decroix, conseillère en architecture, Léa Mabille, conseillère pédagogique du CAUE de Haute-Savoie* et Léo Anselme, chargé des territoires à Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant
* Le CAUE de Haute-Savoie, association d’intérêt public, accompagne et sensibilise les collectivités, les acteurs de l’aménagement et les citoyens pour contribuer à la transformation qualitative du paysage et du cadre de vie.
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Atelier 3 : Face aux enjeux climatiques et sociaux, comment développer un écosystème robuste aux aléas ?
Dans un contexte où les acteurs sont fragilisés par les incertitudes et font face aux défis liés aux questions environnementales et sociales, il semble impératif de réfléchir à son écosystème. La bioinspiration nous enseigne que les organismes vivants parviennent à se maintenir stables malgré les fluctuations en multipliant les interactions. En s’inspirant du vivant, comment penser nos lieux et espaces culturels encore plus dans la relation ? Comment nourrir l’écosystème dont on fait partie pour le rendre plus robuste aux crises ?
Cet atelier exploratoire vise à expérimenter et ressentir en quoi le changement de pratiques passe aussi par le type d’acteurs avec lesquels on interagit et le type de relations nouées. En quoi intégrer la dimension environnementale et sociale, transforme-t-elle nos intéractions avec les autres ?
L’atelier se construira autour de plusieurs lieux fictifs, inspirés du réels (espace naturel, salle de théâtre, médiathèque, centre d’art, fondation…). Nous cartographierons dans un premier temps l’écosystème existant. Puis, à l’aide de cartes explicitant des phénomènes existants dans la nature, nous entrerons en créativité pour enrichir et réinventer cet écosystème.
Atelier animé par Camille Wintrebert, chargée de mission économie, législation et entrepreneuriat culturel à Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant et Marie Richard, chargée des droits culturels à Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant, librement inspiré du kit bioinspiration* d’ERASME
* Appuyée sur la connaissance des écosystèmes et les acquis du design systémique, la “bio-inspiration” est une approche méthodologique expérimentale faisant le lien entre les apports scientifiques (écologie, sociologie, anthropologie) et la transformation des organisations et des cultures de travail.
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Atelier 4 : Et si demain les lieux culturels n’existaient plus, où s’en situe l’essentiel ? Quelles seraient leurs rémanences ?
Espaces, lieux, culture. Quels sens mettons-nous chacun et chacune derrière ces termes ? De quoi parlons-nous ? Quel est notre rapport intime et collectif à ces notions ? Alors que la prospective projette un retrait des financements publics, une montée des acteurs privés et un souhait de reprise en main des biens communs, qu’imaginerait-on si les lieux culturels n’existaient plus ? Quels seraient ces lieux qui disparaîtraient ? Quels seraient ceux qui subsisteraient quoiqu’il advienne ? Quelles traces laisseraient-ils dans le paysage, dans notre cortex ?
L’atelier collaboratif et ludique s’appuiera sur la méthode des “personae” mené en intelligence collective. Afin de tenter de discerner “l’essence” des lieux culturels et de nous connecter à “ce qui compte vraiment”, nous proposons un voyage en dystopie, horizon 2050, pour faire un pas de côté.
Atelier animé par Gentiane Guillot, consultante, facilitatrice Laterall, et coordonné par Juliette Boutin, chargée de l’Action territoriale, l’Éducation artistique et culturelle et des Bibliothèques à Auvergne-Rhône-Alpes livre et lecture et Dimitri Levasseur, chargé d’accompagnement à AC//RA.
12h30 : Pause déjeuner
Possibilité de réserver votre repas avant le 4 avril via le lien suivant : https://www.helloasso.com/associations/auvergne-rhone-alpes-spectacle-vivant/evenements/repas-rp-11-avril-autres-temps-autres-lieux
Repas à 17€ ttc à la charge des participant.es. Menu détaillé dans le lien. Nous attirons votre attention sur le fait qu’aucun repas ne pourra être réservé ou remboursé après le 4 avril.
14h00 : Les espaces de partage
Afin de s’inspirer de ce qui se fait aujourd’hui, en écho avec les trajectoires dessinées par la prospective, vous pourrez écouter et interroger 2 expériences parmi 8. Aucune préinscription n’est nécessaire nous vous demanderons simplement de veiller à l’hétérogénéité des groupes.
- Mathieu Boncour, directeur de la communication et de la RSE du Palais de Tokyo à Paris (75) : comment une institution culturelle s’inspire de la permaculture ? ; il ne s’agit pas de tourner le dos à l’histoire en niant la qualité de ce qui a déjà été fait au Palais de Tokyo, mais plutôt de s’inspirer de manière inventive et audacieuse de l’existant pour l’orienter vers de nouveaux objectifs
- Camille Nauffray, responsable des projets arts et soin de Zirlib, en collaboration artistique avec l’Ehpad des Blés d’Or à Saint-Baldoph (73) : comment un centre d’art s’implante dans un EHPAD et travaille à partir des personnes présentes dans le lieu ? L’E.H.P.A.D. « Les Blés d’Or » est un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes de statut public territorial, géré par le CCAS de Barberaz ; il a la particularité d’accueillir un centre d’Art contemporain : le « LBO Centre d’Art » créé avec le concours de l’Espace Malraux Scène Nationale.
- Chloé Latour, co-directrice, Toine Suzzarini co-directeur et Jean-Pierre Seyvos co-directeur et co-président de La Maison-Ateliers à Cornillon-en-Trièves (38) : comment un lieu se pense en relation avec les personnes, le vivant, le territoire ? La Maison-Ateliers est un espace d’innovation et d’expérimentation du quotidien dans le Trièves, un lieu de vie, de rencontre, de partage, de fête, de résidence, de création, d’expérimentation et de pédagogie au service d’un territoire, du vivant et du collectif.
- Christel Belin, directrice, direction de la lecture publique de Savoie et Haute-Savoie (73-74) : comment construire un projet de tiers-lieu départemental à deux finalités, celle de la Médiathèque intercommunale de la Communauté de communes des Vallées d’Aigueblanche (La Léchère 73) et celle d’un centre de prêt départemental de lecture publique de Savoie-Biblio, pour des usagers différents, dans un même lieu, et avec trois structures publiques distinctes ?
- Bénédicte Le Pimpec et Mathilde Chénin, co-directrices, Ateliers Bermuda à Sergy (01), comment un lieu s’est auto-construit par une équipe en se reposant sur un modèle collaboratif ? : bermuda est un projet d’ateliers d’artistes. Le bâtiment a été auto-construit par l’équipe et repose sur un modèle collaboratif. Il développe un projet singulier, qui articule recherche, fabrication et diffusion en arts, fondé sur des temps de résidence, des compagnonnages et des workshops.
- Céline Saint Martin, directrice générale, Scènes Obliques à Les Adrets (38), espace culturel international de la montagne : comment un espace se pense sans lieu physique construit, à partir du paysage ? Les arpentages artistiques et culturels que déploie Scènes obliques depuis 30 ans, en prise avec les paysages de montagne et leurs singularités humaines, affirment d’année en année un territoire d’action original, ouvert aux frictions fécondes entre art, montagne et écologies. La présence des artistes dans la durée, par le biais de résidences aux formats et aux enjeux divers, s’est fortement accrue ces dernières années, contribuant à donner aux actions entreprises plus de permanence et une plus grande résonance sur le territoire.
- Corentine Baudrand, artiste-chercheuse membre du Laboratoire d’Architectes, Lutteurs, Chercheurs et Artistes (LALCA) et Vieillir Vivant (quartier de Cran-Gevrier (74)) : comment lieux et espaces publics peuvent être des espaces de sociabilité, d’hospitalité et de soin pour des personnes dans la précarité et la marginalité ? LALCA est un laboratoire de recherche théorique et expérimentale qui tente d’observer comment la ville se fabrique à l’encontre de ce(ux) qui l’effraie(nt). C’est aussi un lieu de production d’expériences artistiques ; sonores, plastiques et urbaines, qui prennent vie dans les territoires où l’on s’inscrit et avec les personnes qui n’ont bien souvent pas voix au chapitre. Il est dans une réflexion sur l’habiter questionnant nécessairement l’histoire de nos sociétés contemporaines, la place des étrangers dans la ville, la mobilité bien souvent liée à la précarité du travail, la dangerosité de la muséification et de façon plus poétique, la place des mots et de la connaissance, tout autant que la place des hommes.
- Flore Brasquies, chef du projet le Lieu-Dit et Ludovic Laporte, agent d’accueil et d’accompagnement, Le Lieu-Dit à Clermont-Ferrand (63) : comment un lieu culturel chargé d’histoire (Le Petit Vélo) a fait peau neuve à travers une démarche de co-construction innovante ? Le Lieu-Dit est un lieu d’expérimentation par l’approche du design par les usages. L’objectif était d’avoir une programmation très ouverte. Ce qui permet de ne pas avoir à décider tout de suite de l’orientation à donner au bâtiment. Ont été observés quels espaces les professionnels utilisaient, quels étaient les besoins non pourvus par le lieu. Çe qui a permis d’avoir des éléments à transmettre aux architectes qui accompagnent le lieu. Ce qui suscite de l’intérêt dans ce projet, c’est cette notion de page blanche. Ceux qui viennent expérimenter dans ce lieu ont déjà testé d’autres équipements de la ville.
15h45 : Regards croisés sur la journée
Les intervenants de la table-ronde seront invités à porter un regard éclairant sur les expériences de la journée et les faire résonner avec leurs champs d’investigation : en quoi la réorientation écologique des territoires, les espaces-temps vivants de l’alternative urbaine ou encore le modèle de la permaculture pourraient façonner les lieux culturels de demain ?
Table ronde animée par Gentiane Guillot, consultante-faciliatrice Laterall, et coordonnée par Marie-Laurence Sakaël, chargée de mission développement professionnel à Auvergne-Rhône-Alpes Spectacle Vivant avec :
- Rosalie Lakatos, responsable partage de savoirs à l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif central
- Céline de Mil, doctorante CIFRE à Encore Heureux Architectes
- Mathieu Boncour, directeur de la communication et de la RSE du Palais de Tokyo
Photo : ©Charlotte Brasseau